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Plusieurs syndicats ont déjà émis des recommandations visant à encadrer le télétravail, par exemple : la nécessité de rendre son adoption volontaire, d’alterner les jours de télétravail et ceux se déroulant sur le site de l’entreprise, de conserver des conditions de travail équivalentes à celles des employés de bureau traditionnels, de comptabiliser toutes les heures travaillées de manière scrupuleuse ou encore, de fournir à l’employé le matériel de bureau et le matériel informatique nécessaire au bon déroulement de ses activités professionnellesi. Lors de réflexions futures, notre syndicat gagnerait à s’inspirer du travail déjà accompli dans ce domaine, tout en établissant de nouveaux critères normatifs adaptés à la situation spécifique des employés de BAnQ.
Le statut d’employé en télétravail n’est pas exclusivement dévolu aux individus qui y consacrent l’ensemble de leurs heures de travail ; il peut être attribué à des employés qui le pratiquent de manière occasionnelle, en alternance avec le travail de bureau. Également, il n’est pas réservé aux employés permanents ; les employés à temps partiel peuvent également appartenir à cette catégorie d’emploi.
À l’avenir, ces distinctions pourront être utiles afin que soient inclus, dans les discussions entre notre syndicat et la Direction de BAnQ, tous les employés admissibles à ce statut. En effet, si d’éventuels avantages relatifs aux conditions de travail des employés en télétravail devaient être acquis lors de ces rencontres, il serait important d’en faire bénéficier tous ceux qui y ont droit.
Symbole d’autonomie et de liberté, le télétravail, au premier abord, séduit. D’ailleurs, plusieurs études font état de ses effets positifs : sur la santé mentale des employés, d’une part, mais également dans d’autres aspects de la vie professionnelle qui intéresseraient sans aucun doute notre employeur : productivité, loyauté, rétention d’employés, augmentation du temps de travail, etc. Les bénéfices de cette pratique sont avérés, toutefois, on lui associe également des effets délétères qui ne doivent pas être ignorés ; isolement, problèmes de santé, aliénation… Sans prétendre à l’exhaustivité, nous tenterons par la suite de vous exposer les avantages et les désavantages principaux du télétravail afin que chacun se forme sa propre opinion sur la question.
Le télétravail se distingue dans un premier temps du travail de bureau en cela qu’il accorde une plus grande autonomie à l’employé. En l’absence d’activités synchrones avec ses supérieurs et ses collègues, ce dernier a généralement le loisir d’organiser son horaire journalier comme il le souhaite. Maître de son temps – dégagé, en quelque sorte, du regard contraignant de son employeur –, l’employé aura tendance à développer un sentiment de responsabilité accru vis-à-vis ses obligations professionnelles. Tributaire de ses échecs, mais également de ses réussites, la pratique du télétravail le conduira à ressentir une plus grande satisfaction une fois ses objectifs de travail atteint.
Ensuite, notons que le télétravail engendre une augmentation de la productivité. D’une part, des études montrent qu’il réduit le nombre de distractions et d’interruptions qui surviennent fréquemment sur le lieu de travailii. Isolé à son domicile, l’employé est notamment à l’abri des sollicitations constantes de ses collègues et de ses supérieurs, qui ne peuvent désormais communiquer avec lui que par courriel ou par téléphone. Conséquemment, plusieurs employés pratiquant le télétravail ont noté qu’ils étaient plus concentrés lorsqu’ils travaillaient chez euxiii, malgré la présence d’autres distractions propres à cet environnement particulier, comme les membres de la famille, la télévision, etc.iv.
En outre, le travail à domicile permet de réduire significativement le temps « perdu » consacré à des activités qui ne contribuent pas directement à produire de la valeur. Par exemple, des études montrent que les pauses prises par un employé à domicile sont plus courtes que celles qu’il s’accorde habituellement sur le site de l’entreprisev. De plus, il s’avère que l’abolition des déplacements entre le site de l’entreprise et le domicilevi conduit souvent l’employé à consacrer plus de temps à son travailvii.
Enfin, il convient d’évoquer les effets positifs du télétravail sur la santé. Dans un premier temps, il apparaît que le sentiment d’autonomie et de liberté évoqué précédemment, de même que la réduction du nombre de sollicitations de la part de collègues, contribuent à réduire le stress. L’abolition des déplacements domicile/bureau favorise également la tranquillité d’esprit de l’employé qui se trouve alors libéré de situations potentiellement irritantes (trafic, métro bondé, etc.)viii. Par ailleurs, l’usage réduit des transports contribue à diminuer la pollution générale, ce qui constitue un bénéfice universel pour la société. Notons finalement que l’amélioration de la gestion du temps de l’employé lui donne la possibilité de se consacrer à des loisirs et de faire de l’exercice et, ainsi, d’améliorer sa santé mentale et physiqueix.
Il est intéressant de noter que plusieurs études démontrent que le télétravail a des effets exactement contraires à ceux évoqués plus haut, et que certains des effets positifs que nous lui avons attribués cachent, par moment, des effets indésirables.
Sur le terrain de la santé physique, le télétravail aurait des effets néfastes sur les structures osseuse et musculaire du corps humainx, notamment en raison du manque d’équipement de travail adéquat au domicile de l’employé (chaise ergonomique, bureau ajusté, etc.)xi, ainsi que de l’augmentation du temps passé assis. Dans le domaine de la santé mentale, le télétravail serait la cause de nombreux troubles anxieux et serait une source de stress. Ainsi, on constate que plusieurs travailleurs à domicile sont surmenés et, par conséquent, qu’ils sont sujets à de nombreux épuisements professionnelsxii (ou burn-out) et sont plus susceptibles d’utiliser fréquemment leurs congés maladie. De plus, la perte de contact – ressentie ou réelle – entre l’employé et ses superviseurs conduit parfois ce dernier à ressentir de l’incertitude et à être inquietxiii. Enfin, il semblerait que l’augmentation du temps consacré au travail par l’employé découlerait notamment d’un sentiment de culpabilité causé par l’impression de profiter d’un privilège indu par rapport au reste de ses collègues qui conservent, pour leur part, leurs conditions de travail habituellesxiv.
Par ailleurs, notons que les blessures ou les problèmes de santé mentale qui surviennent en situation de télétravail sont généralement tus par l’employéxv et, par conséquent, elles ne sont pas prises en charge convenablement par l’employeur.
Nous avions également évoqué le fait que la responsabilité accrue qui échoit à l’employé en situation de télétravail avait tendance à le motiver davantage à la tâche. Cependant, plusieurs études démontrent que certains travailleurs trouvent difficile le fait d’être laissés à eux-mêmes et ne gèrent pas efficacement leur planning quotidien dans une telle situationxvi. Isolés, les employés en télétravail auraient également tendance à se détacher de la culture d’entreprise qui les inspirait autrefois à s’investir dans leur travailxvii. Le manque de communication avec les autres membres de l’organisation entraînerait également plusieurs autres conséquences néfastes. Par exemple, des études montrent que les employés en télétravail seraient moins susceptibles d’obtenir une promotion face à un employé travaillant sur le site de l’entreprise, car ce dernier aurait davantage de facilité à imposer sa présence à ses supérieurs, ainsi qu’à faire valoir ses réussites professionnellesxviii.
En outre, l’isolement causé par le télétravail pourrait également avoir des effets indésirables sur la cohésion syndicale. En effet, sa pratique tendrait à réduire à la fois le nombre et la qualité des interactions entre les membres de l’entreprise, et ainsi à réduire la solidarité et le sentiment de camaraderie entretenus par ces derniersxix. Les employés n’auraient plus l’occasion de se rencontrer pour discuter de choses ne traitant pas spécifiquement de leurs tâches journalières ; les rencontres impromptues deviendraient impossibles, de même que les réunions lors des pauses ou de l’heure de dînerxx. Finalement, les seules occasions de fraterniser et de garder le contact surviendraient lors de « meetings » de travail organisés à des heures précises et soumis à un planning strict laissant peu de place à la discussion spontanée et conviviale.
Le présent article laisse poindre les complexités des effets du télétravail sur le bien-être des employés et sur la production. Comme nous l’écrivions plus haut, la liste des avantages et des désavantages présentée ici n’est pas exhaustive et appelle des recherches plus approfondies. Une lecture plus attentive des articles cités dans cet article pourrait à ce titre permettre une meilleure compréhension du sujet. De même, si nous n’avons pas eu encore la chance de consulter nos collègues sur leur expérience en télétravail préalablement à la rédaction de cet article, leurs témoignages pourront sans aucun doute éclairer nos réflexions futures sur le sujet et guider les négociations du syndicat lors des discussions entourant la prochaine convention collective.
(L’usage du masculin dans le texte vise simplement à alléger celui-ci ; sa valeur est générique et désigne à la fois le masculin et le féminin.)
Notes
i Jean Boivin, « Les Syndicats et le télétravail » (rapport de recherche soumis au Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO) dans le cadre du projet de recherche « Télétravail : concilier performance et qualité de vie »), CEFRIO, (2010) :15, p.5-6.
ii Émilie Vayre, « Les Incidences du télétravail sur le travailleur dans les domaines professionnel, familial et social », Le Travail humain 82, n.1 (2019) : 1-39, p. 8
iii Ibid., p. 18.
iv À propos de l’augmentation de la productivité associée au télétravail, voir également Georges A. Tanguay et Ugo Lachapelle, « Impacts potentiels du télétravail sur les comportements en transport, la santé et les heures travaillées au Québec » (rapport de projet), Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), (2018) : 115, paragraphe 7.
v Diane-Gabrielle Tremblay, « Le télétravail : son impact sur l’organisation du travail des femmes et l’articulation emploi-famille », Recherches féministes 14, n. 2 (2001) : 53-82, p. 69.
vi Notons par ailleurs que l’abolition des déplacements entre le site de l’entreprise et le domicile est l’un des avantages les plus appréciés du télétravail, selon un sondage. Voir Diane-Gabrielle Tremblay et Elmustapha Najem, « Le travail à domicile au Canada : qui le pratique et pourquoi? »,
Gestion 35, n.1 (2010) : 108-117, p. 115.
vii Vayre, op. cit., p. 10.
viii Tanguay et Lachapelle, op. cit., p. 16.
ix Ibid., p. 64.
x Vayre, op. cit., p. 10.
xi Tremblay et Najem, op. cit., p. 116.
xii Vayre, op. cit., p. 11.
xiii Ibid.
xiv Ibid., p. 10.
xv Boivin, op. cit., p. 10.
xvi Vayre, op. cit., p. 11.
xvii Ibid.
xviii Ibid., p. 12.
xix Tremblay, op. cit., p. 72.
xx Vayre, op. cit., p. 12.