Syndicat des travailleuses et travailleurs uni-e-s de BAnQ

Pour que les employé-e-s âgé-e-s entre 60 et 69 ans puissent rester à la maison

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Texte de Jean-François Mauger, Président du STTUBAnQ, le 1er juin 2020.

 

Le SPGQ et le STTUBAnQ ont pris connaissance du Plan de reprise globale des activités de la Direction de BAnQ en cette période de pandémie de la Covid-19. Actuellement, celui-ci considère comme « personnes vulnérables » uniquement les personnes de 70 ans et plus. C’est conjointement que nos syndicats ont fait cette recommandation à notre employeur que nous estimons aussi raisonnée que raisonnable et qui va dans le sens de la directive de BAnQ, à savoir de « réduire au maximum le nombre d’employés sur place »i lors de la période de préparation minimale d’un mois avant la réouverture le 2 juillet.

Notre recommandation est la suivante : laisser le choix aux employé-e-s âgé-e-s entre 60 et 69 ans, soit de retourner au travail, soit de ne pas retourner au travail durant cette période en gardant les modalités actuelles de traitement du salaireii.

À BAnQ, les employé-e-s âgé-e-s entre 60 et 69 ans sont au nombre de 70. Seulement une trentaine d’entre elles/euxiii ne fait pas de télétravail et devrait regagner leur emploi à partir du 8 juin.

 

Des facteurs cliniques pourtant très clairs.

Les données de nombreux organismes de santé publique publiées depuis l’apparition de l’épidémie montrent pourtant un «sur-risque» significatif dès 60 ans. Les nouvelles données probantesiv démontrent que les adultes de 60 ans et plus courent des risques plus élevés que les plus jeunes de souffrir d’une maladie et de complications plus graves ainsi que de la mortalité : «Le risque de forme grave de la maladie augmente progressivement avec l’âge et ce, à partir d’environ 40 ans», souligne l’OMS, qui fait démarrer à «plus de 60 ans»v la catégorie des personnes à risque (aux côtés de celles souffrant de maladies chroniques).

Au Québec, une personne sur 10 qui est contaminée par la Covid-19 est une personne âgée entre 60 et 69 ans. Parmi celles-ci, le pourcentage d’hospitalisation dépasse les 15% et le taux de mortalité atteint les 6,5% (alors qu’entre 50 et 59 ans, il est 1,5%)vi.

 

Pour cause de pénurie de personnel… dans les secteurs de l’éducation.

Fin avril, la Santé publique du Québec déclarait officiellement ne pas recommander le retour au travail des éducatrices et des enseignant-e-s de 60 ans et plus. Le lundi 4 mai, le premier ministre François Legault affirmait encore : « Évidemment, il y a des enseignants qui ont plus de 60 ans, donc on leur demande de ne pas venir à l’école ». Dans une lettre aux éducatrices en service de garde, le ministre de la Famille et le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique, recommandaient que les éducatrices « âgées de 60 ans et plus ne retournent pas au travail pour le moment » vii. Dans un document dont la diffusion a été autorisée par le ministre de l’Éducation, celui-ci recommandait aux enseignantes et enseignants de plus de 60 ans de retarder leur retour au travail à septembre 2020viii. En d’autres termes, plus d’un mois et demi après le début de la pandémie, après avoir reçu un nombre incalculable d’études scientifiques sur le sujet, tous les organismes de santé publique du Québec, ainsi que le Gouvernement du Québec et ses ministres, s’accordaient pour qualifier de « personnes vulnérables » ou « à risque » les personnes âgées entre 60 et 69 ans.

Force a été de constater que le 6 mai, en point de presse, le Gouvernement du Québec a opéré un changement drastique de cap en déclarant que les enseignant-e-s et éducatrices en garderies âgés de 60 à 69 ans pourraient retourner travailler sans problème. Pourtant, les données scientifiques sont restées quasiment les mêmes entre les deux déclarations, voire se sont avérées quelque peu plus inquiétantes puisque le taux d’hospitalisation de cette tranche d’âge est passé de 13,5% en avril à 15 % fin mai. Le médecin Alain Vadeboncoeur, qui participe activement aux messages du Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, continue de questionner ce choix étrange compte tenu de ces données et de considérer la population des 60-69 ans toujours à risqueix.

Des représentants des syndicats du Québec jusqu’aux représentants des deux principaux partis politiques d’oppositionx, en passant par Lise Bissonnette, ancienne PDG de BAnQxi, tout le monde s’entend pour dire que la réaction du Gouvernement du Québec s’explique par la crainte d’une pénurie de personnel dans les secteurs de l’éducation.

 

Les réalités de BAnQ en temps de pandémie

Dans sa planification des vacances 2020-2021xii, la Direction de BAnQ démontrait très clairement qu’elle ne craignait aucune pénurie de personnel cet été en demandant le 15 mai à ses employé-e-s de prendre obligatoirement deux semaines de vacances durant cette période.

D’après les derniers recensements, Le Québec est deux fois plus touché que l’Ontarioxiii. Pourtant, le ministère de la Santé de l’Ontarioxiv considère les adultes âgés de 65 ans et plus comme un groupe à risque pour la COVID-19. La grande majorité des employé-e-s de BAnQ travaille à Montréal, « l’une (des villes) des plus touchées dans le monde »xv. En comparaison, Montréalxvi (25 043 cas) compte plus de deux fois plus de cas que Torontoxvii (10 901 cas) et trois fois plus de décès (810 à Toronto contre 2 690 décès à Montréal) .

Ajoutons que la Santé publique du Québec prévoit faire face à une seconde vague de contamination cet été et que l’Institut national de santé publique du Québec vient de présenter ses plus récents scénarios : en excluant le nombre de décès qui pourrait advenir dans les CHSLD, « le nombre de morts pourrait s’élever à 200 par jour en août, seulement dans le Grand Montréal »xviii si les citoyen-ne-s ne respectaient pas à la lettre les mesures de protection.

 

Une recommandation que nous nous devions de faire

Depuis le début de cette crise, nous croyons en la forte volonté de la Direction de BAnQ de protéger le mieux possible et le plus longtemps possible ses employé-e-sxix. Nous comprenons bien que BAnQ prendra toutes les précautions autant humaines que matérielles pour préserver la santé de ses employé-e-s sur leurs lieux de travail. Mais qu’en est-il de ces employé-e-s de 60-69 ans qui devront changer de quartiers, voire de ville, et prendre les transports en commun pour venir travailler?

Nos syndicats se devaient de faire cette recommandation. Nous ne pouvions assumer la responsabilité de ne pas l’avoir faite en considérant d’après les données connues de tou-te-s que cette partie de nos membres est belle et bien beaucoup plus vulnérable, à risque, que les autres.

Allons un peu plus loin. Que se passerait-il si un-e employé-e asymptomatique venait à contaminer un-e employé-e de 60 ans et plus ? Cet-te employé-e aura-t-il ou aura-t-elle à vivre avec cette responsabilité parce qu’un gouvernement a pris une décision qui va à l’encontre des recommandations des plus grandes instances en matière de santé dans le monde et au Canada pour des questions de facilité de gestion ?

Dans l’intérêt de notre institution et dans l’intérêt de tou-te-s nos employé-e-s, nous espérons que notre recommandation sera retenue par la Direction générale de BAnQ.

 

i Voir Plan de reprise globale des activités, p. 13.

ii Télétravail pour celles et ceux qui le peuvent et maintien du salaire pour celles et ceux qui le ne peuvent pas.

iii Selon les chiffres fournis par notre directrice des Ressources humaines, Marie-Dominique Bélisle, lors de notre rencontre le 20 mai.

iv « Facteurs cliniques », Maladie à coronavirus (COVID-19), Association des infirmières et infirmiers du Canada : https://cna-aiic.ca/fr/maladie-a-coronavirus/facteurs-cliniques

v « Les aînés «à risque » face au coronavirus, mais à quel point? », TVA Nouvelles, https://www.tvanouvelles.ca/2020/04/26/les-aines-a-risque-face-au-coronavirus-mais-a-quel-point

vi Institut national de la santé publique du Québec : Données COVID-19 au Québec, 1er juin 2020 https://www.inspq.qc.ca/covid-19/donnees?fbclid=IwAR2F2op9PJCcAaFCpC-tzsH0p1LlyZ59JWcJB2BHXac-4C0VrOoNSFtLJhY

vii « Enseignants et éducatrices de moins de 70 ans pourront travailler », Patrick Bellerose, TVA Nouvelles, le 6 mai 2020, https://www.tvanouvelles.ca/2020/05/06/en-direct–le-point-des-autorites-a-quebec

viii « Les personnes âgées de 60 à 69 ans peuvent retourner au travail, dit Québec », Jérôme Labbé, Radio-Canada, le 6 mai 2020, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1700711/feu-vert-sexagenaires-travail-sante-publique-coronavirus-covid-19

x « COVID-19: QS veut pour les travailleurs à risque un droit de retrait sanitaire », la Tribune, 1er mai 2020, https://www.latribune.ca/covid-19/covid-19-qs-veut-pour-les-travailleurs-a-risque-un-droit-de-retrait-sanitaire-df44d504e3913260140ed3e5c8f3b799

xi « Grand angle sur l’actualité : Le regard de Lise Bissonnette et d’Yves Boisvert », Radio-Canada, le 7 mai 2020, segment de 12h45, https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/midi-info/episodes/462801/rattrapage-du-jeudi-7-mai-2020/14

xii « Tous les employés doivent prévoir un minimum de deux (2) semaines de vacances à prendre dans la période du 8 juin au 15 septembre », Vacances 2020-2021 – Règles d’application en contexte exceptionnel, le 15 mai 2020.

xiv « Instructions pour l’auto-isolement à la maison pour la COVID-19 », le 20 mai 2020, https://www.santepubliqueottawa.ca/fr/public-health-topics/self-isolation-instructions-for-novel-coronavirus-covid-19.aspx

xv « À quoi ressemble la courbe dans votre région », Philippe Langlois et Jean-François Guibeault, TVA Nouvelles, le 30 mai 2020, https://www.tvanouvelles.ca/2020/05/30/a-quoi-ressemble-la-courbe-dans-votre-region

xvi « Situation actuelle à Montréal », Santé Montréal, le 29 mai 2020, https://santemontreal.qc.ca/population/coronavirus-covid-19/#c36391

xvii « COVID-19: Status of Cases in Toronto », City of Toronto, le 28 mai 2020, https://www.toronto.ca/home/covid-19/covid-19-latest-city-of-toronto-news/covid-19-status-of-cases-in-toronto/

xviii Dans le meilleur des deux scénarios, il s’agirait d’une cinquantaine de morts par jour à Montréal, in « Une deuxième vague à Montréal cet été ? », Mylène Crête, Le Devoir, le 29 mai 2020, https://www.ledevoir.com/societe/sante/579796/montreal-n-est-pas-a-l-abri-d-une-deuxieme-vague-cet-ete

xix Voir Plan de reprise global des activités : « Assurer la protection des personnes vulnérables » (p. 3); « Le télétravail est recommandé pour ceux-ci. » (p. 7)